Il y a un an, nous avons décidé de faire de la terre notre terrain de jeu, notre terrain de vie. Depuis nous jouons aux oiseaux de passage, trois petits jours et puis s’en vont. Monde mobile. Ça ne choque personne. Et on nous encourage à poursuivre notre tour d’horizons.
Sur la route, des comme nous, il y en a plein. Jamais je n’en avais vu tant. Des étudiants, quelques familles, quelques retraités, pas mal de trentenaires. Des infirmièr(e)s, des sages-femmes, des théâtreux, des commerciaux, des serveuses, des cuistots, des directeurs, des avocates en reconversion masseuses, des animateurs, des chefs de projet… Des fuyards de la France, des italiens, allemands, anglais, espagnols, australiens, néerlandais partis pour quelques mois, un an, plus si le budget le veut, certains établis ici ou là pour un temps, dans des pays qu’ils ont fait leur.
D’étapes en étapes, avec nos passeports magiques nous avons sillonné des pays en récoltant ce que nous n’avions pas semé. Nous avons ramassé des graines à faire germer plus tard, dans nos mémoires, une fois le soleil couché.
De hasard en rencontres, ne disant jamais non à une invitation, nous avons dormi dans des jardins et des canapés, fais tourner des verres dans des cours, partagé des repas, des débats. Nous avons été abreuvés de conseils afin de ne rien rater de la beauté du pays partagé. Arrivés en étrangers, nous nous sommes transformés en invités. Nos hôtes nous ont traités avec la fierté et l’honneur de celui qui reçoit ceux qui viennent de loin pour le voir. Ils ne pouvaient nous laisser repartir que comblés.
De ville en ville, dans des bus, dans des bars, nous avons fait chanter nos mots envoûtants et vus leurs pouvoirs résonner.
En Afrique, « un an de vacances » et c’est l’hilarité assurée.
En Amérique, des mots comme « tour du monde » vous occuperont pour la soirée.
Partout, le plus puissant reste le nom « français ».
Les visages s’éclairent.
« French is the most beautiful language of the world. »
« Je barle un dou bedi beu français ! »
Quelle surprise, persuadée que j’étais qu’on nous croyait paresseux, râleurs et sales ! Moi, la française de papier, je savais sans savoir. Il faut l’avoir vu : des éclats dans les yeux, à chaque fois. La France fait rêver, la langue française enivre, son Histoire incarne l’espoir.
Cela fait un an que chaque jour est un monde. Un an que nous avons choisi de nous extraire de notre terre et qu’en vacanciers perpétuels nous avons choisi le nomadisme pour quotidien…. En sachant toujours que nous reviendrions.
Cela ne fait qu’un an que, par choix, nous marchons hors du pays natal mais, malgré tout, le manque s’est bien fait sentir, insoluble.
Quand on ne peut pas manger ce que l’on a appris à aimer.
Quand on ne peut ni parler ni entendre sa langue.
Quand les amis et la famille sont si loins.
Quand « chez soi » ne renvoie à rien.
Alors qu’il est l’heure de rentrer je me demande… Comment aurions-nous vécu ce voyage si nous l’avions fait avec la certitude du non-retour ? Comment savourer l’ailleurs en sachant qu’on ne goûtera plus la saveur de sa terre ?
En un an, pas une fois nous ne nous sommes sentis en danger. Pas une fois on ne nous a refusé le refuge.
Aurions-nous été accueillis différemment si nous étions venus par non choix ? Non par loisir mais par nécessité ? Non pour l’oisiveté mais pour le travail ?
L’argent et l’insouciance en moins, nous aurions pourtant été les mêmes.
Après un an de migration volontaire, comment conclure si ce n’est par des vœux ?
Je fais le vœu que tous ceux que notre voyage a fait rêver puissent réaliser le leur.
Je fais le vœu que nous cessions de renvoyer chez eux ceux chez qui nous passons nos étés.
Mais plus encore, je fais le vœu de pouvoir accueillir, en mon pays, comme nous avons été accueillis, d’avoir la chance, un jour et tous les autres, de rendre au moins cela.
magique! tes mots transportent les âmes. bizzzzzzzzzzzzzzz
Toujours ce regard éclairant sur le monde, dans u même mouvement … enthousiasme et lucidité
texte MAGNIFIQUE et EMOUVANT