Il y a des portes en bois ouvragées imbriquées dans des blocs taillés de pierres grises qui leur servent d’écrin. Des portes fascinantes, chacune d’elle un trésor. Entrouvertes, elles dévoilent l’autel et la statue de Ganesh, le dieu éléphant, assis sur son socle.  L’invité ou l’intrus passe devant lui, enjambe les offrandes à l’entrée. Derrière, les palmes vertes indiquent un jardin, dans lesquels peuvent se dissimuler bassin, fontaines ou piscines.

Les maisons ressemblent à des temples qui ressemblent à des maisons qui ressemblent à des temples qui…

De la rue dépassent des murs d’enceinte les sculptures et les fines tourelles carrées des palangits, la maison des dieux, placés à l’entrée ils empêchent les mauvais esprits de passer. Maison ou temple ?

Dans les maisons, des autels partout, des statuettes disséminées, souvent plus d’une dizaine et devant chacune les offrandes, à même le sol, de l’encens, un peu de riz, une brochette de satay que le chat ou le chien mangera, un biscuit dans son emballage individuel, des fleurs ramassées au pied des arbres sur une ronde de palmes tressées la veille ou achetées aux marchandes de rue. Plus pour la pleine lune. Trois fois par jour, au moins, l’homme ou la femme s’arrête devant chacune, dispose les offrandes, asperge l’idole avec une fleur de frangipanier en récitant silencieusement sa prière. Chaque jour. Plus les cérémonies aux temples. La cuisine est envahie de paniers emplis des réserves pour les offrandes ou des offrandes déjà préparées, protégées sous une feuille de journal.

Dans les temples, parfois ouverts, parfois fermés sans qu’on sache bien pourquoi, les mêmes offrandes. On peut venir s’asseoir, parler et rire dans les jardins, contempler les fleurs de lotus qui naissent de la vase et se dressent vers le ciel, se purifier dans les bassins ou simplement se baigner une après-midi. Il peut y avoir un café ou un restaurant dans l’un des coins de l’enceinte. Seules quelques zones de prière appellent au calme, à la méditation. On y voit des encens et des fleurs, des ombrelles rouges, des tissus brillants habillent la pierre, orange ou carrelés blancs et noirs,. Lors des cérémonies, réservées aux fidèles celles-là, du moins la partie temple, pas la partie rue, beaucoup de blanc encore dans les vêtements et dans les cheveux. Beaucoup de fleurs aussi, toujours plus, c’est un mystère, peut-être un miracle. Comment la nature peut-elle produire autant de fleurs à couper chaque jour pour les dieux?

Dans la rue parfois, on croise un cortège à pied ou en voiture, selon le statut des célébrés, la richesse des familles. Les éclaireurs en scooter nous font signe, on se range et l’on attend que ça passe. Plusieurs fois, dans le blanc, les sourires, les chants et la musique, nous prenons un enterrement pour un mariage. Jusqu’au passage du corps. On découvre un pays par ses marchés et ses cimetières. Toujours nous retrouvons en Asie cette façon de célébrer la vie et la mort sous les mêmes tentes dressées en pleine rue.

Je me demande si c’est ça qui fait des balinais, mais aussi des malaisiens, des thaïlandais… un peuple si accueillant, si souriant, si heureux. Le fait de se lever chaque matin en remerciant pour ce jour de plus, ça doit bien changer quelque chose. « On remercie d’être en vie.» comme nous l’a expliqué un homme jeune.

Hier, quand la vendeuse m’a demandé ma religion j’ai dit : « je ne sais pas encore », petit ajout, petit mensonge dans ce « encore » pour ne pas la mettre mal à l’aise. Dire que j’étais chrétienne, comme le conseillent les guides, comme on est sensés l’être nous qui venons d’Europe, je n’ai pas pu.