Nous avons continué de longer la côte et nous sommes maintenant sur une belle île sauvage. C’est ce qui fait son charme, c’est pourquoi nous sommes là. Nous, une autre poignée de visiteurs et les quelques familles cambodgiennes qui habitent ici, nous logent et nous nourrissent.

Des barques aux petits moteur nous ont débarqués le long de la plage principale où est étalée une rangée de bungalows en bois aux toits de paille. A l’arrière, quelques bâtiments khmers plus grands mais également de paille et de bois, puis c’est la jungle.

Il y a l’eau courante, des fosses septiques, pas de problème de PQ puisqu’ici comme partout on lui préfère le jet d’eau et un seau d’eau remplace avantageusement la chasse d’eau. Pour l’électricité, des générateurs sont allumés deux heures par jour de 19h à 21h. C’est parfait pour observer les étoiles une fois l’île entièrement éteinte… C’est vrai qu’il y a deux mini décharges où s’amoncellent des bouteilles en plastique mais nous avons aussi vu une « barque de recyclage ». Les autres déchets sont la principale source de nourriture des chiens.

Une fois sur l’île, nous nous baignons, bronzons avec modération, observons les coraux avec masque et tubas, mangeons du poisson frais ou nous faisons tripoter lors de massages khmers (fortement déconseillés sauf grave pénurie d’ostéo). Rien de bien méchant niveau impact écologique (sauf quand on a marché sur des oursins. Aie.)!

Je pense que nous polluons moins ici qu’en étant chez nous en France.

Oui mais voilà, par notre seule présence, nous démontrons la valeur touristique de ce lieu. Et un peu plus loin, à la pointe de l’île, près d’une seconde plage encore plus idyllique, dans un vrombissement ahurissant, on découvre au détour d’un chemin bulldozers et tractopelles en train d’arracher des arbres, de creuser la colline (vue imprenable sur ladite plage et les îles voisines), d’écraser la terre pour construire ce qui sera probablement un complexe hôtelier bien plus luxueux que nos petits bungalows sommaires. Mais bien plus couteux en énergie, bien plus destructeurs pour toute les vies autour : plantes, singes, oiseaux, insectes, poissons, coraux.

Rien que la façon dont ils s’y sont pris pour amener ces lourds engins de chantier sur l’île m’échappe.

Même la tête sous l’eau au milieu des poissons, même paisiblement allongée dans mon hamac un décor de rêve sous les yeux, je ne cesse d’entendre les allers-retours réguliers des barques.

J’ai l’impression de condamner l’île rien qu’en y étant.

Bien sûr, je suis naïve et la problématique n’est pas nouvelle mais comment faire ?

Rester chacun chez soi ? Limiter le nombre de touristes par jour ? Classer l’île, virer tout le monde en privant les khmers d’une économie enfin un peu à leur avantage ? Prier pour que malgré les arbres déjà déracinés, et les perturbations sonores, les gestionnaires aient une conscience écologique ?

Aucune de ces solutions ne me paraît satisfaisante. On ne peut pas demander aux locaux de refuser de multiplier leurs revenus tout en échappant au travail des rizières. Mais comment leur dire que dans cinq ans, dix peut-être, ils auront détruit ce qui nous fait venir en même temps que l’endroit où ils vivent ? D’ailleurs, eux-même n’ont aucune information sur ce qui se construit, si ce n’est que le projet serait vietnamien.

Bien sûr il faudrait une éducation à l’environnement mais :
          1. Ils n’en sont pas là.
          2. Personne ne leur a demandé leur avis.

Alors, nous, que devons-nous faire ?

PS : Depuis nous sommes passés dans la même journée de l’île à Phnom Penh, le contraste est radical mais étrangement, nous apprécions la capitale autrement, gigantesque spectacle plein de lumières, de senteurs et de musiques.

Bref, vous l’avez compris, tout va bien (pour nous), affaire à suivre…